Une demande très courante que je reçois lors des premières réunions de travail autour d'un projet de communication : "faire une campagne tout public". C'est vrai que cela aurait de quoi séduire, sur le papier — élaborer un support permettant de s'adresser à tout le monde à la fois, sans avoir à adapter le ton ou le message. Ma réponse ? Attention, ce n'est pas si facile ! Ce n'est pas parce qu'un produit ou une activité est "tout public" que l'on peut pour autant se satisfaire d'une seule campagne pour tous, partout, tout le temps. Il est en vérité beaucoup plus efficace de cibler très précisément le public type auquel on souhaite s'adresser. Difficile autrement de savoir quels mots employer pour lui parler ! Les experts parleront de "segmenter le marché", ou encore de "persona marketing" (des personnages types que l'on construit de toutes pièces : âge, genre, activité, milieu social, centres d'intérêt, etc).
Sans partir dans ces considérations techniques, voici quelques éléments pour introduire le sujet !
Dites-vous bien que l'on est pris d'assault par des centaines et des centaines d'informations et appels du pied visuels au quotidien, aussi bien en marchant dans la rue et au travail que chez soi, sur internet ou à la télévision. Entre les affiches, les panneaux publicitaires, cartes de visite, flyers, bannières et publicités en ligne et tout le reste, nous sommes de plus en plus saturés par toutes ces marques qui se disputent notre attention. Pour se distinguer dans ce brouhaha visuel (et aussi éviter la surenchère, mais c'est un autre débat !), il faut s'adresser directement à ceux qui sont susceptibles d'être intéressés par la campagne (autrement dit, ceux auxquels la campagne est destinée, autour desquels elle a été conçue). Une campagne "pour tous" devient un handicap, car elle repose sur des éléments très — trop — généraux, qui ne se distingueront pas des concurrents dans la grande jungle de la communication contemporaine.
Une métaphore simple : il est toujours plus efficace d'aller délivrer une centaine de messages en main propre que de lancer des milliers de bouteilles à la mer dans l'espoir qu'une petite partie d'entre elles parviennent à toucher une centaine de gens. Sans compter que même si la bouteille est bien ramassée par un passant bienveillant (traduire : le flyer lu dans son intégralité), rien ne nous dit que le message contenu sera d'un intérêt particulier pour ce dernier.
Choisir les destinataires du message au lieu de diffuser auprès du plus grand nombre prend certes un peu plus de temps lors de la conception de la campagne, mais cela garantit une plus grande efficacité, coûte souvent moins cher en impression / publicité en ligne, et fait perdre moins de temps lors de la distribution. Gagnant gagnant gagnant, donc !
La campagne doit harponner l'attention, et pour y parvenir elle doit s'interroger sur les motivations du client potentiel. Que veut-il, de quoi a t-il besoin, que manque t-il à son bonheur ? Ou, si on préfère le bâton à la carotte, de quoi a t-il peur, qu'est-ce que l'attriste, à quoi peut-on remédier ? La réponse est très différente selon la tranche d'âge, le genre, l'activité professionnelle, le milieu familial, et même la zone géographique ou la période de l'année. Garantir une bonne communication, c'est trouver la carotte qui amadouera la part du public à séduire avec le produit ou l'activité mis en avant.
Si l'on doit s'adresse à plusieurs publics radicalement différents (enfants et adultes, par exemple), alors il sera souvent plus efficace de mener différentes camapagnes de communication, ou en tous cas de diviser la campagne selon la cible. Différents supports (imprimés ? en ligne ? à la télévision ?), différents messages, différents tons, différentes "carottes" (satisfaction immédiate pour les enfants et pédagogie ou tranquilité pour les parents dans le cas d'un jouet éducatif). On communique selon plusieurs angles pour s'assurer que le message soit bien reçu par ses destinataires.
Dans une ère de réseaux sociaux où l'on se fédère de plus en plus en "clans", "tribus" ou "communautés" (selon le sociologue ou l'expert sur lequel vous tombez), la question d'une communication diférenciée se pose malheureusement de plus en plus : beaucoup se définissent dorénavant par le rejet — celui d'un autre mode de vie, d'autres principes, d'autres philosophies. Il est devenu délicat de rassembler autour de valeurs communes, et mêmes celles qui paraissent fondamentales, comme le bonheur, la tolérance ou même la santé, sont rarement interprétées de la même façon par les individus qui composent ce sacré "tout public". En essayant de ratisser trop large, on risque au mieux d'affaiblir le discours en restant trop en surface, et au pire d'aliéner le public en tenant des propos incohérents ou contradictoires.
Pour aller plus loin :