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Lire ou regarder : communiquer par la vidéo ?

"Les gens ne lisent plus", "le seul moyen d'attirer l'attention, c'est par les images", "les nouvelles générations ne sont plus intéressées que par les écrans"…

À en croire ces nombreux échos, nous sommes tous pris d'une violente crise de la lecture. L'écrit aurait été délaissé et rejetté au profit de l'image et de sa version animée, la vidéo, plus ludiques et plus instantanées. Une image vaut-elle mille mots, et la vidéo plus encore ? La question est incontournable dans le monde de la communication : l'enjeu étant de faire passer un message, pas la peine de passer des mois à soigner une campagne de communication si personne ne prend le temps de poser les yeux dessus à cause d'un support inadapté ! Prenons quelques instants pour soupeser la question, donc.

Une dichotomie lire-regarder ?

Avec l'essor des sites web, désormais indispensables pour représenter toute activité professionnelle ou associative, la vidéo se présente comme un moyen évident de communiquer : placée en haut ou en milieu de page, elle offre une version condensée des informations à faire passer. La musique et les voix, les couleurs, l'animation, tout encourage le badaud à interrompre un instant sa navigation pour en apprendre plus sur son hôte. Si la vidéo est bien faite — courte, efficace, avec des informations bien hiérarchisées — elle peut faire économiser un temps précieux à l'internaute en condensant des informations qu'il aurait sinon fallu aller chercher dans les méandres sinueux du site. Brr.

Vient-elle alors remplacer le texte ? Dans ce contexte, non : au contraire, elle offre une introduction, une mise en bouche qui va encourager le visiteur à rester et à se renseigner, là où des pages de textes — même illustrées — auraient pu être rédibitoires. Dans un monde où l'on court toujours après le temps, la vidéo permet en quelques minutes de déterminer si l'on est oui ou non assez intéressé pour accorder une grosse part d'attention à l'activité mise en avant.

Une question de gestion du temps

Dans cette relation en tandem, la vidéo a tendance à condenser et le texte à développer. Pour moi, l'avantage — ou l'inconvénient, selon le point de vue — du texte sur l'image ou la vidéo est la "liberté chronologique" qu'il offre : difficile de parcourir une vidéo en diagonale sans en perdre le sens, surtout lorsque l'on nous y parle de vive-voix, tandis que le texte peut être appréhendé par bribes en partant de la fin, du milieu, où même tout à fait à l'envers pour les plus irrévérencieux d'entre nous. Les titres et sous-titres permettent de cibler l'information qui est recherchée, sans parler de la miraculeuse fonction recherche qui délivre immédiatement toutes les itérations du sujet ciblé !

À l'inverse, la vidéo implique une certaine forme de captivité du fait de son ancrage dans la chronologie. Si elle est trop longue, le spectateur, lassé, abandonnera la page d'un clic sur la fatidique croix rouge, et la communication aura été un échec. C'est l'une des raisons pour lesquelles, si le choix de passer par le support vidéo peut être pertinent, il faut le faire de façon très réfléchie, en travaillant au maximum le message et la technique pour réussir à captiver l'attention tout au long du déroulement de la chose… Pas si évident !

Nous sommes tous différents !

Au risque de présenter une conclusion aussi décevante qu'un délicieux soufflet avachi : tout dépend des sensibilités de chacun. Certains sont plus à l'aise avec une petite vidéo de 5 minutes, d'autres avec quinze paragraphes de texte. Bien communiquer suppose de réfléchir avant toute chose aux habitudes de consommation de son public : ont-ils le temps de consulter une vidéo ? Sont-ils des intellos bornés qui ne font confiance qu'à ce qu'ils peuvent lire de leurs propres yeux ? (je me mets volontiers dans cette catégorie)

Si vidéo il y a, remplace t-elle la lecture ? Doit-elle être visualisée avant ou après celle-ci ? Placée ne haut ou en bas de la page ? Les informations qu'elle présente sont-elles une synthèse, un complément, une redite assénée pour mieux les imprimer dans la mémoire du visiteur ? S'il faut retenir une chose, c'est qu'une vidéo mal élaborée peut avoir de grosses conséquences sur l'image d'une activité, et que si le sujet est mal maîtrisé, il est souvent plus sage de s'abstenir !

Pour aller plus loin…

Quelques liens utiles :

Le Youtubeur Un Créatif offre ici une parodie mordante du "film d'entreprise", dérive de cette tendance à vouloir systématiquement passer par la vidéo même quand le contexte ne s'y prête pas. Quand je parlais de "sagesse de s'abstenir !"

, un petit article du Monde sur les nouvelles habitudes de lecture des générations de d'jeunes. Si si, ils lisent. Attention donc aux conclusions rapides quand il s'agit de cibler son public.

Pour les amateurs de chiffres, quelques statistiques prouvant l'explosion du support vidéo ces dernières années. Difficile de nier ses avancées avec ces données en main !

Pour finir, un bref article s'amusant à quantifier (ou déquantifier) la valeur en mots des vidéos. Food for thought !